De la fourche normande à la fourchette francilienne ?

Atelier itinérant inter-écoles 2019

Du 9 au 17 mai 2019, dans le cadre de la mission Paysage et Vallée de la Seine, l'École nationale supérieure de paysage a organisé, en partenariat avec l'agence d'urbanisme de la région du Havre et de l'Estuaire de la Seine et l'école d'ingénieurs en agronomie et agro-industries UniLaSalle Rouen, la troisième édition du workshop itinérant et inter-écoles. 

De Cherbourg à Versailles, « de la fourche normande à la fourchette francilienne », une équipe pluridisciplinaire de dix étudiants a parcouru les paysages agricoles de la vallée et de la baie de la Seine.

Issus d’écoles d’agriculture, de paysage, d'architecture et des beaux-arts, ils ont remonté la Seine pour observer la complexité du monde agricole contemporain, la qualité de ces espaces, les pratiques qui les maintiennent, et interroger leur place dans les grands projets d'aménagement du territoire. 

Souvent considérés comme « des espaces blancs » sur les cartes des plans de développement de la vallée de la Seine, l’objectif était de démontrer les valeurs paysagères des espaces agricoles et l'importance de les intégrer comme des composantes des projets d’aménagement du territoire. 

En participant à la responsabilisation alimentaire collective et individuelle, l'atelier a révélé la géographie des produits de nos assiettes visant à sensibiliser le grand public aux problématiques de consommation des terres agricoles [environ l’équivalent du territoire de la Réunion ou du département des Yvelines a été artificialisé en France en 10 ans (source Cerema), soit 250 hectares en moyenne par jour (source Mairie de Paris)].

À la rencontre d'agriculteurs, mais aussi d’acteurs du monde agricole, les étudiants ont développé un regard critique et empathique sur les différentes pratiques agricoles qui façonnent aujourd’hui les territoires de la baie et de la vallée de la Seine. 

Du produit au territoire, les étudiants ont travaillé de manière transversale, en abordant un grand nombre de thématiques intimement liées à l’agriculture ; l’histoire de la ville et de l'agriculture, le respect du sol et de la nature, le bien-être animal et humain, les impacts du dérèglement climatique, les politiques publiques, les circuits-courts et longs, le marketing alimentaire, la santé, etc.

Sur le terrain, ils ont observé une grande diversité de pratiques agricoles, sortant des schémas simplificateurs qui opposent deux modèles ; l’un conventionnel, l’autre biologique. 

Du Pays de Coutances au Pays d'Auge, du Pays de Caux à l'Île-de-France, tous les soirs les acteurs du monde agricole rencontrés ont été invités à assister à la restitution des découvertes des étudiants, à discuter et à débattre.À la fin du périple, comme pour chaque édition, les étudiants ont restitué leurs travaux sous la forme d’une exposition, dont le vernissage était le 17 mai au Potager du Roi à Versailles. L’exposition présente le positionnement de chaque étudiant sur l’agriculture et ses enjeux pour demain. Vidéos, textes, performance culinaire, créations sculpturales et graphiques, la restitution est présentée dans le cadre de la biennale d'architecture et de paysage de la région Île-de-France.

 

JOUR 1 // Jeudi 9 mai // Paysages rêvés paysages mangés

Jeudi 9 mai, les étudiants de l’atelier itinérant se sont retrouvés au centre d'art éditeur le Point du Jour à Cherbourg, autour de l’exposition de Mariana Ballo Charmet, "Au bord de la vue" présentée par David Benassayag

Après une première dégustation des produits issus de ce terroie, Stéphanie Langevin et Emmanuel Fauchet du CAUE de la Manche ont accompagné les étudiants dans un road trip dans la petite vallée bocagère de la Saire. Des milieux humides, à la plaine maraîchère du Cotentin, en passant par l'estuaire de la Saire, ils ont questionné le rôle de l'arbre et de la haie dans la composition des paysages agricoles. À Saint-Vaast-La-Hougue, les étudiants ont profité du festival des défis des ports de pêche pour déguster coquillages et crustacés, avant de prendre la route pour La-Haye-du-Puits.
 

JOUR 2 // Vendredi 10 mai // Du champ à l’assiette, le chemin du lait

« C'est à chaque consommateur de faire attention à ce qu'il met sur sa table"
Rémi Bézard

Le deuxième jour, le groupe d'étudiants a été divisé en trois groupes pour visiter trois exploitations et rencontrer trois éleveurs laitiers des marais du Cotentin. Du produit brut à l'assiette du consommateur, les trois groupes ont construit le portrait sensible de l'agriculteur rencontré, sous les yeux de Joëlle Rimbert du Pnr des Marais du Cotentin et du Bessin, de Cécile Guillopé et Viviane Martin du CAUE de la Manche, et des trois éleveurs : Rémi Bézard, Jacques-Olivier Eliard et Hubert Angot.

JOUR 3 // Samedi 11 mai // Les invisibles du paysage

Après la Manche, deux équipes se sont lancées dans un road trip pour explorer les paysages du Pays de Caux et du Pays d’Auge.

L’une, s’est arrêtée à Pont L'Évêque pour découvrir la fête du fromage, s’imprégner de l’ambiance du marché, proposer des micro-trottoir et participer aux dégustations de fromages AOP.

L’autre équipe est partie explorer le Pays de Caux, accompagnée par Aurélie Lasnier du Pnr des Boucles de la Seine Normande et Lucille Théron du CAUE de Seine-Maritime, pour observer l’évolution des paysages du plateau et des clos-masures.

L’après-midi tout le groupe s’est retrouvé à la Paysagerie, près d'Yvetot, un lieu dédié au paysage, dirigé par le paysagiste Éric Germain. Son fils maraîcher Albert, a animé un atelier plantation de courges sur buttes avec les étudiants.

JOUR 4 // Dimanche 12 mai // La fragilité du paysage

Les étudiants ont découvert la vallée de la Seine et grimpé sur ses coteaux calcaires. Après des lectures du paysage perçu, et imaginé sous leurs pieds, ils ont participé à un chantier de défrichage avec Anne-Céline Loeber du Conservatoire des espaces naturels Normandie Seine sur une pelouse calcaire à Hénouville. Les étudiants se sont initiés aux dynamiques végétales qui « ont horreur du vide ». Éliminer arbres et arbustes est une nécessité pour préserver cet écosystème exceptionnel et riche en biodiversité composé, entre autres, de quelques rares orchidées.

Dans la soirée, Anne Le Bellégo de la Maison de l'architecture de Normandie - le Forum a accueilli le groupe pour une soirée ciné-débat autour du film "Changement de propriétaire" co-animé par Terre de Liens Normandie avec Mathilde Leborgne. Définition, stéréotypes et apriori sur les différents modèles agricoles ont été discutés avant de partager un verre de l'amitié, offert par la Maison de l'architecture.
 

JOUR 5 // Lundi 13 Mai // Cultiver en lisière de métropole

Au "bout du monde", entre Mantes-la-Jolie et Les Mureaux, l'équipe des étudiants a rencontré Valérie Danto, Ainsi que Louise Desmazières et Yann Le Coquen de l'Agence des espaces verts d'Île-de-France pour aborder les grands enjeux des espaces agricoles en lisière de la métropole parisienne. Pression foncière, gestion des zones de captage d'eau, installation de nouveaux agriculteurs...

Les étudiants du workshop sont ensuite arrivés au Potager du Roi pour entamer la conception de l'exposition. Ils ont rencontré le service agriculture urbaine de la Mairie de Paris qui organise les concours Parisculteurs. Qu'est-ce que l'agriculture urbaine ? Est-ce que les Parisiens de demain pourront tous accéder à des produits locaux ?

JOUR 6 // Mardi 14 mai // La ville mange, le cas du potager du Roi

Dès le matin, les étudiants ont participé, aux côtés des jardiniers, aux travaux habituels : désherbage des plates-bandes et des allées, plantations... En récompense de leur labeur, ils bénéficient d'une visite guidée du potager : vergers, jardins aromatiques, serres de production. La pause-déjeuner est bien méritée. Vincent Piveteau, directeur de l'ENSP, profite de l'occasion pour leur souhaiter la bienvenue.

L'après-midi est consacrée à la réflexion sur la forme du rendu final de l'exposition. Les étudiants profitent des précieux conseils de François Maîtrepierre, ancien enseignant de l'ESADHaR, pour finaliser leurs productions. 

Jour 9 // Vendredi 17 mai // Inauguration de l’exposition « De la fourche normande à la fourchette francilienne ? »

La restitution du travail des étudiants, partis jeudi 9 mai de Cherbourg, s’est déroulée vendredi 17 mai au Potager du roi à Versailles.

Performances culinaires, déambulations paysagères et réflexions sur l’itinérance alimentaire des produits normands et franciliens ont rythmé la soirée. Entre dégustations de jeunes pousses, produites par Albert Germain, jeune maraicher, et réflexions autours des mots, souvent troubles, qui définissent l’agriculture d’aujourd’hui, les visiteurs ont pu vivre le parcours sensible et gustatif de l’atelier itinérant de Cherbourg à Versailles.

L'événement s'est tenu en présence du directeur de l'École nationale supérieure de paysage, Vincent Piveteau, du directeur de l'Agence d'urbanisme de la région du Havre et de l'Estuaire de la Semine, Simon Du Moulin, et des représentants des financeurs de l'action 1.3 du contrat de plan interrégional État-régions, Gilles David de la Délégation interministérielle au développement de la Vallée de la Seine, et Delphine Berling pour la région Île-de-France.